CHAPITRE DIX-NEUVIEME,
OU L’ON EST CONTRAINTS DE CONCLURE ALORS QU’ON VOUDRAIT PROLONGER.
Les recherches généalogiques sont infinies : il n’y a jamais de limite, on voudrait pouvoir poursuivre la recherche des descendants, se découvrir des cousinages lointains, comme on souhaiterait avoir la possibilité de remonter le temps pour identifier d’autres ascendants, d’autres collatéraux : ne jamais cesser ce travail d’historien des anonymes, représentatifs de la vie quotidienne dans la France des siècles précédents. Certes, il s’agit d’une approche modeste de l’histoire, qui ne prétend pas imiter Alain Corbin et son remarquable Pinagot, mais s’en inspire pour contextualiser et éclairer les existences de nos aïeux.
Bien sûr, ces recherches sont source de frustration : il manque du temps, toujours, pour exploiter toutes les pistes, consulter tous les documents repérés, se déplacer et passer des journées entières aux archives, en tout cas dans le cadre d’un mémoire universitaire. On ne peut pas faire autrement que de remettre à plus tard, de se réserver encore du travail après que le D.U. sera fini.
Malgré cela, il y a une vraie satisfaction à voir le tour qu’ont pris ces recherches. Non qu’elles soient achevées et irréprochables ; mais en peu de temps, six mois de travail à peine, il est possible de se repérer avec une relative facilité dans le monde labyrinthique des archives, de s’appuyer sur d’autres sources que les BMS, de reconstruire une histoire familiale bien plus riche que je ne le supposais quand je me suis plongée dans la généalogie, il y a à peine un an, en pestant contre l’écriture illisible des curés du XVIIIè siècle !
Six mois de travail, donc, qui ont été extrêmement formateurs, denses, qui ont permis de consolider mon intérêt pour la généalogie et l’écriture de la mémoire familiale. Contrairement aux idées reçues, la généalogie ne se limite pas à la constitution d’un arbre squelettique, ni à une plate succession de dates de naissance, de mariage ou de décès. Etudier la gens, au sens romain du terme, c’est s’imaginer nos ancêtres jeunes, amoureux, malheureux de la perte de leurs enfants, saisis d’angoisse par la famine ou impotents, c’est reprendre en famille des anecdotes et des photos qui ne disaient plus rien, c’est y voir ressurgir le visage d’un grand-père à l’âge de mes propres enfants, s’exclamer sur des ressemblances physiques… Comme le dit Emmanuel Le Roy Ladurie, c’est « penser les hommes vivants ». Et c’est humainement très enrichissant.